Yves Auquier. L’instant qui fuit

L’exposition L’instant qui fuit retrace le parcours d’Yves Auquier. Photographe de l’intime, il s’intéresse au vivant, au temps qui passe, au familier et à l’instant fugitif, résumant lui-même sa transversalité par la notion de « réalisme intimiste ». Il travaille tout au long de sa carrière en noir et blanc et de façon sérielle, classant minutieusement ses négatifs dans des classeurs thématiques et compilant à partir de ceux-ci de nouveaux recueils. Il publie principalement ses séries sous forme de portfolios qu’il tire lui-même en argentique.

Dans Pays Noir, son premier livre, publié en 1970, Auquier dresse le portrait du pays de Charleroi. Il y voit grandeur et beauté quand d’autres, y compris les habitants du « Pays Noir », y voient noirceur et ruine. Il désire transmettre sa vision, partager par l’image, et y parvient grâce à la subtile simplicité et sensibilité de son geste.
La série les mineurs, publiée sous forme de recueil en 1975, met l’Homme au centre des photographies. La solitude, la camaraderie, la mine, l’obscurité et l’âpreté du labeur sont autant de sujets présents dans ces photographies. Yves Auquier capte des images spontanées, d’autres plus posées. Quelques années plus tard, en 1984, Yves Auquier part à la rencontre des Siciliens installés en Belgique. Dans sa série intitulée Sicilicum, il prend le temps de découvrir les habitudes de cette population immigrée.
Dans son portfolio Bruxelles, publié vers 1970, Auquier nous immerge dans un univers urbain : la saturation des lumières sur les routes, la vitesse, la foule, le mouvement omniprésent. Les images se succèdent et invitent à voyager à travers la ville assis sur le siège avant d’une voiture perdue dans le trafic ou accroché à la barre verticale d’un tram.
Son recueil de trente photographies en noir et blanc, la vie de famille, publié en 1970, s’intéresse à la cellule familiale. Les instants de vie s’écoulent sous l’objectif du photographe qui prend comme modèle sa propre famille. Les temps morts, ces interstices de vie quotidienne, ont la part belle dans la série. Siestes, repos méditatifs, lectures, jeux d’enfants, sont autant d’instants volés à l’appétit du temps. Le sujet des nageurs s’esquisse dans les films de la vie de famille. Photographiquement parlant, il utilise des cadrages rapprochés de ses sujets, ne laissant voir que les corps et l’eau, sans tenir compte du décor extérieur. L’élément liquide devient un sujet à part entière des photographies et envahit le champ de l’image : les ondulations de l’eau et les reflets modulent l’arrière-plan.

Après s’être attaché au genre humain, Yves Auquier s’intéresse au monde du vivant dans son ensemble, les plantes et les animaux devenant ses modèles. Comme dans le reste de sa production, l’atmosphère a une place maitresse dans ses photographies. Avec cette modestie qui le caractérise, Yves Auquier évoque son travail en ces termes : « J’ai simplement fait des choses que j’aimais faire » et c’est bien dans la simplicité que son œuvre déploie toute sa justesse. 

Biographie
Yves Auquier est un photographe belge né en 1934 à Bruxelles. Il passe son enfance au Pays Noir et part ensuite à Bruxelles où il débute sa carrière profession- nelle. Par son mariage avec Agnès Leplae, céramiste et fille du sculpteur belge Charles Leplae (1903-1961), il entre rapidement en contact avec le milieu de l’art belge. Son intérêt pour la photographie croît progressivement et sa rencontre en 1959 avec le photographe belge Charles Leirens (1888-1963) confirme définitivement sa vocation. Dès 1961, sa carrière débute et il réalise ses premières expositions personnelles. En 1965, il fonde avec d’autres photographes belges le groupe « Photo Graphie ». Les membres réguliers constituant le groupe sont Pierre Cordier, Julien Coulommier, Gilbert De Keyser, Roland Denaeyer, Hubert Grooteclaes. Concrètement, ils organisent des expositions d’artistes belges et étrangers dans divers lieux culturels, éditent des recueils d’œuvres originales numérotées, organisent des conférences et participent à des colloques à l’international. Leur action est majeure dans la reconnaissance de la photographie comme un art en Belgique.

En 1969, Yves Auquier devient professeur à l’École Supérieure des Arts « Le 75 » à Bruxelles. Il est le premier chef de l’atelier de photographie de l’école et il y fonde, en 1971, le cours d’histoire de la photographie. Durant cette même décennie, il est élu membre de la Commission d’achats d’œuvres d’art pour le ministère de la Culture, il est le premier photographe à exercer ce mandat. Son goût pour le travail commun, pour les autres, le pousse une nouvelle fois vers la création d’un groupe voué à la photographie. « Images » voit le jour en 1974, professeurs et étudiants du « 75 » s’associent à cette nouvelle initiative dédiée aux arts sériels. Les membres en sont : Monique Adam, Yves Auquier, Jacky Lecouturier, Jean-Marc Vantournhoudt, Francis Van Uffel et Guy Wéry. Ils publient des livres et autres recueils et organisent de nombreuses expositions, notamment, Images des hommes qui sera accueillie à Venise en 1979. Yves Auquier poursuit sa carrière de professeur et son action dans l’univers photographique. À côté de conférences, d’écritures de livres et de commissariat d’exposition, il fonde encore en 1980 le Patrimoine photographique pour la gestion des collections photographiques de l’état. Nombreux sont ses contemporains – collègues, étudiants, photographes, amis – qui disent à quel point son contact a été bénéfique et inspirant dans leur carrière artistique.


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